Né à Paris le 27 avril 1898, Jean de Vogüé s'engage dans la Marine en mars 1917. Admis à l'Ecole navale, il en sort enseigne de vaisseau en décembre 1917. Embarqué sur un torpilleur, il prend part à la guerre navale en Méditerranée. Après l'armistice, Vogüe est envoyé à la flottille du Danube pendant l'année 1919. Promu lieutenant de vaisseau en 1924, il quitte la Marine deux ans plus tard. Il entre ensuite dans les affaires et devient l'animateur du Comité de répartition des sucres.
Mobilisé fin août 1939, il est désigné comme officier de liaison à l'Amirauté britannique. Promu capitaine de corvette en mai 1940, il prend part aux combats et à l'évacuation de Dunkerque, qu'il quitte le 4 juin au matin. Jean de Vogüe est alors promu chevalier de la Légion d'honneur. Retourné en Angleterre, il refuse de reconnaître l'armistice et décide de rentrer en France en juillet 40 où il est aussitôt démobilisé. En 1940 et 1941, son action se porte sur la propagande dans tous les milieux de zone Nord, dans le but de préparer le climat pour les luttes futures et d'entraîner des couches de plus en plus importantes de la population dans la Résistance. Il participe alors à la diffusion de nombreux journaux clandestins.
A partir de novembre 1942, il travaille en étroite coordination avec le mouvement Combat zone Nord. Grâce à l'appui de Combat, il peut développer un groupe en zone nord. En février-mars 1943, à la demande du BCRA (missions de Brossolette et Passy), il fusionne ses forces avec le mouvement CDLR dirigé par Lecompte-Boinet, dont il devient l'adjoint. Il s'applique d'abord à donner une structure régionale et départementale solide, à la fois hiérarchisée et décentralisée.
En mai 1943, CDLR étant bien organisé, Jean de Vogüé prend une part active aux travaux du Comité de coordination des mouvements de zone nord. Il est l'un des créateurs, en juin 1943, du Comité central de la Résistance. Après des conversations avec des dirigeants d'autres mouvements, en particulier ceux de l'OCM, de Vogüé propose de créer une organisation de Résistance unique pour la Région parisienne. Il rédige une note complète, passant en revue toute l'activité de la Résistance dans la Région parisienne, tant militaire qu'administrative et politique. Il propose que tous les mouvements fusionnent leur organisation de la Région parisienne pour n'en former qu'une seule. Par suite de certaines négligences, de certaines hésitations et à cause de la politique de certains chefs de mouvements, ce projet d'unification n'a pas été réalisé.
Le mois suivant, la direction nationale du Noyautage des administrations publiques (NAP) lui est confiée. Toujours dans le but d'étendre l'action de la Résistance et d'y entraîner les masses populaires, Vogüé ("Madelin") entre en contact en juin 1943 avec l'union des syndicats de la Seine. Au cours de ces conversations, Vogüe et Tollet ont l'idée de constituer un Comité parisien de la Résistance, faisant appel à toutes les organisations et à tous les partis décidés à mobiliser leurs forces pour chasser l'ennemi. Mais ce projet ne fut pas mis à exécution immédiatement. Il fut repris en septembre et donna naissance au CPL.
Il rédige à l'attention des régions et départements des instructions complètes concernant la préparation de l'action insurrectionnelle et de la prise du pouvoir en faveur du général de Gaulle (instructions du 10/8/43).
En novembre 1943, en l'absence de Lecompte-Boinet parti pour Londres, et par suite des arrestations des dirigeants de CDLR, il prend seul la direction du mouvement jusqu'en avril 1944. Il réorganise entièrement le mouvement en l'orientant vers l'action immédiate avec comme adjoint le colonel Grandval. Sur sa proposition le Comité central constitue, le 1er février 1944, une commission d'action militaire (COMIDAC) composée de trois membres. De Vogüe soumet aussitôt un plan de constitution d'un état-major national. Le 12 avril, il rédige à l'attention du CNR, un mémoire destiné à fixer le rôle des FFI et de leur commandement. Le CNR reconnaît alors le COMIDAC comme organe supérieur de commandement des FFI. Il devient le COMAC et est dirigé par Villon pour le FN, Kriegel pour la zone Sud et Vogüé pour la zone Nord. A partir du 6 juin 1944, Vogüe décide de donner une vigoureuse impulsion à l'action des formations militaires et des groupes francs de CDLR dans la Région parisienne. Il s'adjoint Massiet, dit "Dufresne", qui sera chargé du recrutement, et de l'organisation des forces militaires de CDLR dans la Seine, et Cocteau, dit "Gallois", qui représente CDLR à l'état-major de l'Ile-de-France.
Le 19 août à Paris, représentant du COMAC auprès du commandant FFI de la Seine, le colonel Lizé, il prend une part active à la conduite des opérations qui ont abouti à la libération de la capitale. Après la Libération, Il s'occupe particulièrement de tout ce qui concerne l'intégration des FFI dans l'armée française.
Nommé délégué à l'Assemblée consultative en octobre 1944, il est vice-président de la commission de la défense nationale. Il avait demandé à faire la guerre, comme commandant de marine, avec une unité de fusiliers-marins ; on ne lui accorda pas mais on lui offrit un poste honorifique avec le grade d'amiral, qu'il refusa. Il revient alors aux affaires et devient, en 1945, président directeur général de la Compagnie nouvelle de sucreries réunies, vice-président de la raffinerie Lebaudy-Sommier. En 1950, il est administrateur de la Compagnie de commerce et de gérance pour les colonies. Il est également membre du comité de rédaction du journal Volontés. A partir de 1968, il est président d'honneur de la Générale sucrière. Jean de Vogüé est décédé en septembre 1972.
Dans Le Monde du 20 septembre 1972, Maurice Kriegel-Valrimont lui a rendu hommage en ces termes : "Pour moi Jean de Vogüé est toujours resté Vaillant, celui qui représentait la moitié nord de la France au COMAC : le commandement de la Résistance militaire sur le territoire national. Il dirigea un mouvement de résistance. Il était délégué du commandement militaire suprême sur le territoire national auprès du commandement des FFI de Paris pendant l'insurrection d'août 1944. Le simple rappel de ces faits suffit à rendre surprenant le silence fait depuis vingt ans autour de son action. Si Paris avait brûlé, il eût été un des hommes que l'on en eût accusés. Quand Paris fut libéré, on ne lui en sut aucun gré.(...) Oui Vaillant a contribué à ce qu'aucun frein n'entrave la libération de Paris et de la France. Il a été, sans aucune naïveté, en faveur de l'action libératrice du peuple.(...) Je lui rends hommage dû au patriotisme le plus pur."
Article écrit par moi-même, extrait du DVD-ROM "La Résistance en Ile-de-France", AERI, 2004