Limousin , Limoges , terre de Résistance.
L'armée de l'ombre se répartit les charges.
Le duplicateur d'Henri Lagrange Henri LAGRANGE : Né le 26 décembre 1917 à Linards (Haute-Vienne), mort le 9 février 1943 en prison des suites des mauvais traitements à Saint-Étienne (Loire) ; dessinateur graveur ; militant communiste de Haute-Vienne ; résistant
Le père d’Henri Lagrange, Léonard était à sa naissance ajusteur aux Chemins de Fer d’Orléans (il était en 1944 en fonction au dépôt SNCF de Limoges), sa mère Marie Louise Lagrange, née Branland, était couturière. La famille s’installa à Limoges en 1921. Henri Lagrange fut d’abord élève à l’Ecole de La Monnaie puis fut admis en 1931 à l’École Nationale Professionnelle de Limoges (ENP) dont il suivit les cours jusqu’en 1934. Il en sortit diplômé d’un brevet. Très doué pour le dessin et la gravure, il travailla d’abord dans une entreprise de transport avant de devenir graveur. Avant guerre, il continuait sa formation en suivant des cours à l’École des Beaux Arts de Limoges.
Il adhéra aux Jeunesses Communistes (JC) en 1937. Réformé en 1938 en raison de sa santé fragile (il était hémophile), il devint en juin 1940 le secrétaire régional des Jeunesses communistes. Après la défaite, dès août 1940, Alphonse Denis, membre du parti communiste réunit autour de lui les premiers volontaires dont Georges Guingouin, prêts à s’engager contre le régime de Vichy. Henri Lagrange devenu membre de la section Limoges-ville du PC clandestin, organisa dès le mois de septembre un groupe de jeunes dans le quartier de la gare.
Entré en contact avec Georges Guingouin, il devint responsable de l’imprimerie clandestine du parti.
Un duplicateur fabriqué par son père, servait clandestinement à imprimer des tracts, des « papillons » appelant à manifester, des faux cachets… Ayant pris contact par le biais du Secours Rouge, auquel il participait, avec les internés du camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne), il imprima sur des feuilles de papier à cigarettes des bons de solidarité à 1 F. pour l’aide aux familles des militants internés. Mais l’imprudence à Saint-Junien d’un colleur de tracts mit la police de Vichy sur les traces d’Henri Lagrange et de ses camarades. Il s’en suivit une série d’arrestations. Arrêté le 9 janvier 1941 par la gendarmerie, Henri Lagrange demeura à la prison de Limoges jusqu’en mars 1941 puis fut remis à la justice militaire et transféré au camp de Sauveboeuf en Dordogne. En raison de sa santé précaire, il fut soigné à Périgueux puis à Bergerac.
Ses parents qui avaient été arrêtés le 30 juin 1941 furent relaxés par le tribunal militaire de Périgueux le 23 septembre 1941. Lui fut traduit devant la section spéciale du tribunal militaire de Périgueux, le 2 septembre 1941, avec Roger Artigaud, Hubert Mouveroux, André Leboucher (qui fut ultérieurement déporté), Roger Lavaux et Emile Mignot (qui fut également déporté et ne revint pas). Considéré comme le principal responsable et reconnu comme le plus âgé, il reçut, malgré la défense courageuse de son avocat Gaston Charlet, la peine maximum : une condamnation à 20 ans de travaux forcés et 20 ans d’interdiction de séjour pour « menées antinationales, propagande antifrançaise et incitation à la Résistance ». Le jugement précisait : "Lagrange commentait les émissions de Radio Moscou et distribuait à ses camarades, en vue de les diffuser, des papillons subversifs nettement outrageants pour l’armée et le maréchal Pétain".
A l’énoncé du verdict il entonna suivi de ses camarades La Marseillaise.
Incarcéré à la prison de Pau le 8 septembre 1941, il fut transféré à celle de Saint-Étienne le 1er octobre 1941.Soumis à un régime carcéral renforcé, réservé aux « terroristes » les plus dangereux, son état de santé se dégrada constamment. Conduit trop tard à l’hôpital de Saint-Étienne, il y mourut à l’hôpital de cette ville le 9 février 1943. La famille rapatria clandestinement le corps à Limoges et l’inhuma à Linards le 13 février 1943. Son enterrement suivi par une foule nombreuse donna lieu dans l’assemblée à des manifestations patriotiques. Le 14 juillet 1943, le Responsable du Parti communiste pour la Région fut adressée à ses parents pour rendre hommage à leur fils et dire quel courage il avait montré en prison où malgré sa faiblesse physique, il refusa de renier son idéal, ce qui lui aurait sans doute permis de sortir et d’éviter la mort. On leur apprend aussi que les geôliers ont refusé que ses camarades viennent lui rendre un dernier hommage après sa mort.
En août 1943, un groupe de résistants FTPF de la Haute-Vienne, prit le nom d’« Henri Lagrange ». Le 14 juillet 1945, Georges Guingouin, élu maire de Limoges, fit apposer une plaque à l’entrée de la rue où il avait habité. Une rue de Limoges porte également son nom.
Il obtint la mention Mort pour la France en 1947 et son nom figure sur le monument commémoratif du Jardin d’Orsay à Limoges. Il fut décoré de la Croix de guerre à titre posthume en 1947.
(sources
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article49592 , notice LAGRANGE Henri par Jean-Pierre Besse, Michel Thébault mise à jour par Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 22 mars 2009)-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Georges GUINGOINNé le 2 février 1913 à Magnac-Laval (Haute-Vienne), mort le 27 octobre 2005 à Troyes (Aube) ; instituteur ; militant communiste, exclu du Parti communiste en novembre 1952 ; « Préfet du maquis » ; Compagnon de la Libération ; conseiller municipal (6 mai 1945-13 janvier 1953), puis maire (17 mai 1945-octobre 1947) de Limoges.
Georges Guingouin était le fils d’un sous-officier de carrière au 138 ème RI tué à Bapaume le 28 août 1914 et d’une directrice d’école primaire fille d’un ouvrier porcelainier de Limoges (Haute-Vienne). Il n’avait pas connu son père qu’il considérait comme victime de l’incapacité des officiers (en particulier le général Ganeval). Il fit ses études à l’école primaire supérieure de Bellac (Haute-Vienne) puis à l’École Normale d’instituteurs de Limoges (promotion 1931-1934). Dès cette époque, il était politiquement engagé et il fut le seul Normalien à participer à la grève du 12 février 1934 en réponse à l’émeute insurrectionnelle du 6 février. Il évoquait (en 1999) son professeur Marnet qui avait fait en 3e année d’EPS un cours d’économie politique où il découvrit « le rôle de la plus-value » et ses démêlés avec un professeur d’histoire en 2e année d’ENI au sujet de Robespierre. Ayant refusé l’examen de préparation militaire supérieure, il choisit, comme 2e classe, d’effectuer son service militaire à la 6e compagnie des secrétaires d’état-major stationnée à l’École militaire de Paris. Il fut nommé, en octobre 1935, instituteur à l’école mixte de Saint-Gilles-les-Forêts (Haute-Vienne).
Militant du Parti communiste auquel il avait adhéré, sans doute à cette époque, il devint secrétaire du rayon d’Eymoutiers groupant cinq cantons ruraux : Eymoutiers, Châteauneuf-la-Forêt, Saint-Léonard, Saint-Germain-les-Belles et Pierrebuffière. Fin 1935, son rayon proposa la candidature de son collègue Marcel Lenoble pour les législatives d’avril 1936. Le secrétaire régional, Citerne, lui fit savoir que cette candidature déplaisait à la direction nationale et qu’il ne fallait pas la soutenir. Guingouin maintint, dans son intervention au congrès fédéral, cette candidature qui fut approuvée et il organisa la campagne électorale dans la 2e circonscription de Limoges où Lenoble s’opposait à Vardelle, secrétaire fédéral SFIO. À l’issue du premier tour, Vardelle obtint 8 033 voix, Lenoble 6 403 voix contre 4 182 voix au candidat de droite Souchère. Lenoble s’étant désisté pour Vardelle, celui-ci fut élu. Nommé membre du comité fédéral puis du bureau de la « Région » limousine groupant les départements de la Haute-Vienne et de la Creuse, Guingouin assura de nombreuses réunions. Il fut en outre chargé d’écrire des articles de politique étrangère au moment de Munich dans l’hebdomadaire du Parti, Le Travailleur du Centre. Le 22 juillet 1937, il publia un bilan des progrès réalisés l’année précédente : les adhérents étaient passés de 97 groupés dans 5 cellules à 392 dans 14 cellules fin décembre.
Surpris par le Pacte germano-soviétique, il pensa que « de la part de Staline c’était une ruse pour gagner un temps précieux ». Titulaire du fascicule de mobilisation n° 6, il fut rappelé aux armées avant la mobilisation et rejoignit le groupe de transport 120/24 avec lequel, en qualité de 2e classe, il participa à la « drôle de guerre ». Il avait pris soin avant de partir de détruire les archives du rayon et la liste des adhérents. C’est pendant cette période qu’il rencontra Henriette Montagne, institutrice à Nozay (Aube) où son régiment faisait étape, avec laquelle il se fiança. Le 18 juin 1940, blessé à l’arcade sourcilière et soigné à l’hôpital militaire complémentaire Sainte-Madeleine de Moulins-sur-Allier, il quitta volontairement cet hôpital pour éviter d’être fait prisonnier. De retour à Saint-Gilles-les-Forêts, il réorganisa clandestinement l’ancien rayon communiste et, en août 1940, rédigea un « Appel à la lutte ». En septembre 1940, ayant repris contact avec l’appareil clandestin du parti, il devint secrétaire fédéral responsable pour la Haute-Vienne, s’occupant plus particulièrement de l’édition de l’Humanité zone sud destinée à plusieurs départements. Depuis septembre 1940, Guingouin était révoqué de ses fonctions d’enseignant. Dès cette époque, il critiquait la décision de la direction du parti de faire reproduire le n° 9 de La Vie du Parti où on pouvait lire, dit-il, cette affirmation incroyable : « nous avons plus de possibilité d’action vu le transigement des occupants ». Ce fut un véritable coup d’assommoir ! En tant que secrétaire de mairie, il établit de faux papiers d’état civil mais, suspendu de fonction, craignant de graves difficultés, il « rendit la liberté » à sa fiancée dans une carte interzones du 8 décembre 1940.
En janvier 1941, il rédigea le premier numéro du Travailleur limousin clandestin dans lequel il ne formulait, écrit-il, aucune attaque contre de Gaulle et l’Angleterre, ce qui traduisait la différence de son analyse politique des événements avec les positions de la « direction nationale » du parti. Le 10 février 1941, l’interdépartemental Marchadier était arrêté porteur d’une fausse pièce d’identité établie par Guingouin. Le préfet de Haute-Vienne, accompagné de policiers, se présenta à son domicile d’où il s’était échappé à temps et un mandat d’arrêt fut lancé contre lui. Il continua à éditer des tracts à partir de la ferme de Madame Bourdarias, aidé par un ancien élève Louis Gendillou. Il quitta cette ferme pour aller « faire son travail dans les bois ». C’est ainsi qu’en avril 1941, il établit sa première planque dans une sapinière. Il eut la chance d’échapper deux fois aux gendarmes. Les policiers fabriquèrent alors une affaire de dénonciation à l’aide d’un faux témoignage qui permit l’arrestation de quelques camarades de Guingouin. Malgré des interrogatoires « musclés » suivis de condamnations, Anita, Coissac, Gendillou, Cueille… restèrent muets. Quant à Guingouin, il fut condamné par contumace, le 26 janvier 1942, aux travaux forcés à perpétuité par le tribunal militaire de la 20e division militaire siégeant à Périgueux.
La guerre s’était étendue avec l’agression hitlérienne contre l’URSS et Guingouin pensa qu’il était temps de passer à la résistance armée. Il s’efforça de se procurer des armes, entra même en contact, infructueux, avec un membre du BCRA. Avec quelques armes récupérées, il créa fin 1941 les premiers groupes armés en Haute Corrèze qu’il appela Francs-Tireurs. Responsable politique de la Haute-Corrèze, Guingouin créa les premières bases paysannes de l’organisation militaire, notamment, le maquis de la forêt de Châteauneuf-la-Forêt (Haute-Vienne). « J’étais fier de cette action entreprise quand en mars 1942 un des dirigeants du PC clandestin de la zone sud, Gabriel Roucaute prit contact avec moi ». Ce dernier lui déclara qu’il était dans l’erreur la plus complète, que c’était dans les villes que devaient être constitués les groupes armés. Après discussions, le désaccord subsistant, Roucaute le somma de quitter la Haute Corrèze et Guingouin affirmera qu’on envisagea même de le supprimer physiquement ! Il apprit aussi que Roucaute le qualifiait de « fou qui vit dans les bois ». Guingouin décida de rester avec ceux qu’il avait entraînés dans la lutte et il revint dans le secteur d’Eymoutiers pour y mener une action autonome. Ainsi eurent lieu : le 25 janvier 1943 l’enlèvement d’explosifs à la mine de Saint-Léonard, le 13 mars la destruction d’une pile du viaduc de Bussy-Varache, le 8 mai celle de l’usine Vattelez de régénération du caoutchouc de Palais sur Vienne, le 14 juillet un câble téléphonique reliant Bordeaux à Berlin fut sectionné. Les partisans étaient maintenant mieux armés suite à des parachutages, mieux vêtus et mieux organisés dans la première brigade de la Marche limousine. Pour obtenir l’appui de la population, Guingouin, appelé « Préfet du maquis », publia des arrêtés fixant les prix des denrées alimentaires, détruisant le matériel agricole qui permettait les réquisitions de foin et de blé, décidant du taux de blutage. Des embuscades furent tendues en plein jour et les maquisards procédèrent à des contrôles d’identité. Une situation de dualité de pouvoirs s’installait sous l’occupation étrangère. Et c’est la Haute-Vienne qui, en 1944, présenta le plus grand nombre de résistants armés : 8 000 hommes environ. Devenu chef départemental des FTPF de la Haute-Vienne, c’est lui qui assura le commandement des trois mouvements de résistance militaire – FTP, AS, ORA – formant les Forces françaises de l’intérieur de la D 4-R 5.
La Libération approchait. Le 6 avril 1944, Hitler avait relevé du front russe la division Waffen SS Das Reich pour l’envoyer dans le centre de la France. Quand, le 9 juin, la division que dirigeait le général Lammerding et qui avait commis des atrocités dans la région, reçut l’ordre de gagner immédiatement le front de Normandie, elle fut retardée suite à l’arrestation du commandant Kämpfe opérée pendant 48 heures par les maquisards. Ce retard facilita beaucoup les opérations des troupes alliées débarquées dans leur avancée en Normandie, de l’avis même d’Eisenhower. Les semaines suivantes, des parachutages massifs d’armes eurent lieu et un combat s’engagea les 17-18 juillet sur les pentes du Mont Gargan contre une brigade allemande avec artillerie et couverture aérienne. Les pertes allemandes furent supérieures à celles des maquisards.
En août se posa la question de la libération de Limoges qui donna lieu à un nouveau conflit entre Guingouin et son parti. Le 2 mai 1944 avait eu lieu une réunion des responsables régionaux de la Résistance. Pierre Girard* y représentait le PC, le responsable de la zone sud étant Léon Mauvais. Un ordre de mobilisation était prévu. Léon Mauvais envoya Molinier qui transmit l’ordre de prendre les chefs-lieux de la Creuse, la Corrèze et la Haute Vienne. Mais ce qui s’était passé à Tulle et à Oradour-sur-Glane amena Guingouin à surseoir à la prise de Limoges en exposant les deux tactiques possibles : ou l’attaque frontale, sachant que Meier, chef de la Gestapo, se proposait de fusiller les résistants emprisonnés, ou l’encerclement en engageant des pourparlers avec le général allemand Gleiniger dont il obtint la capitulation qu’il reçut des mains du capitaine Stoll le 21 août. Guingouin apparut alors comme le libérateur de Limoges, mais il avait désobéi en refusant de prendre des risques suicidaires. Il devint officiellement lieutenant-colonel commandant de la 4e brigade FFI.
Tandis que ses hommes continuaient le combat dans les « poches » de l’Atlantique ou sur les rives du Rhin, Guingouin fut grièvement blessé au cours d’un accident de voiture le 20 novembre 1944 et hospitalisé à Limoges. Maurice Thorez, de retour de Moscou, venu à ce moment à Limoges, ne daigna pas lui rendre visite à l’hôpital. Après une longue convalescence, il fut réformé en avril 1945. Il allait poursuivre le combat mais sur le plan politique et non sans conflits avec le Parti.
Désigné comme secrétaire fédéral à l’organisation au congrès de mars 1945, il fut proposé par toutes les cellules de Limoges comme tête de liste UPRA pour les élections municipales d’avril-mai 1945. Le texte de présentation des candidats fut l’objet de discussions. Jean Chaintron, préfet de Haute Vienne et membre du comité central du PC, lui demanda de ne pas faire allusion à son refus d’obéir à l’ordre de Mauvais (devenu secrétaire national à l’Organisation) de s’emparer de la ville. Guingouin obtint que figure sur le texte : « cependant il a la sagesse en juin 1944 de ne pas essayer de prendre Limoges à l’instar de Guéret en Creuse occupé par les hommes de l’Armée secrète, de Tulle en Corrèze, bien qu’il en ait reçu l’ordre ». C’était, écrit Marc Ferro, une manière de mettre en doute l’infaillibilité du Parti. Au premier tour, cette liste arriva en tête avec 20 294 voix contre 16 903 à la liste SFIO et 9 668 à la liste MRP. Au second tour, l’élection demeura triangulaire mais la liste UPRA arriva en tête et fut élue en entier le 6 mai, Guingouin devenant maire de Limoges le 17 mai.
Cependant ses rapports avec le parti ne s’amélioraient pas et le franc-tireur Guingouin demeurait suspect aux yeux de la direction. C’est ainsi qu’il ne fut pas proposé pour siéger au comité central lors du Xe congrès national qui se tint à Paris du 26 au 30 juin 1945 et qu’il ne figura pas sur la liste conduite par Marcel Paul à l’élection du 21 octobre 1945 pour la 1re Assemblée nationale constituante. Enfin à l’assemblée des élus municipaux communistes de France le 12 novembre suivant, il fut l’objet d’une violente attaque de la part d’Auguste Gillot. Finalement, il fut relevé de son poste de secrétaire au congrès fédéral du 16 décembre 1945, restant toutefois membre du bureau fédéral. Deux ans plus tard, aux élections municipales du 19 octobre 1947, il perdait la municipalité de Limoges au profit de Betoulle qui avait été maire avant 1939, demeurant cependant conseiller municipal. Il ne fut pas candidat aux élections législatives de 1945. En 1951, il figura en troisième ligne sur la liste communiste, ce qui lui laissait peu de chances d’être élu (élections au scrutin de liste proportionnel).
Au cours de l’année 1952, ses désaccords avec le PC reparurent, provoqués par la remise en question de son attitude en août 1944. Le 28 octobre 1949, il lut et remit à Maurice Thorez, en présence de Mauvais, un rapport demandant un débat sur les erreurs commises pendant la guerre. Aucune discussion de ce rapport n’eut lieu devant la commission centrale de contrôle politique. Waldeck Rochet* le mit en présence d’un ultimatum : « Georges Guingouin accepte-t-il la décision de la direction du Parti de considérer que toutes les questions se rapportant à la période de la clandestinité et de la Libération sont tranchées et que les décisions prises par le Parti à l’époque ne doivent pas être remises en cause ? » Dans une réunion du comité fédéral départemental à laquelle participait Waldeck Rochet, Guingouin fut relevé de ses fonctions au comité fédéral départemental et au comité de section. Privé de toute fonction rétribuée, il demanda sa réintégration dans l’enseignement et fut nommé instituteur au Vistrat, commune de Saint-Laurent-les-Églises. Redevenu simple adhérent, sa cellule, lui ayant donné raison, fut dissoute et il fut exclu par une autre cellule le 10 novembre 1952. Le comité fédéral publia le 12 novembre dans L’Écho du Centre (quotidien du parti communiste à Limoges) un texte stigmatisant les « prétentions sans bornes » de Guingouin qui prétend avoir été à l’origine des premiers groupes FTP en Haute Vienne et qui ment en affirmant avoir sauvé Limoges. Ce texte esquissait même une justification des actions de Tulle et Guéret c’est-à-dire de l’ordre de Mauvais. Début 1953, le 13 janvier, il démissionnait du conseil municipal de Limoges et, le 15 mars, de l’Association des anciens FTP qui allait l’exclure le 22 mars suivant. En octobre, il abandonnait ses fonctions d’instituteur en Haute-Vienne et prenait un poste au pays de sa femme à Montiéramey (Aube).
Guingouin n’était pas pour autant au bout de ses peines et, le 24 décembre 1953, il fut convoqué devant le juge d’instruction de Tulle (Corrèze) au sujet d’affaires de meurtres non élucidées à l’époque de la Résistance , arrêté et incarcéré à la prison de Brive. En fait, l’offensive contre Guingouin avait commencé dès fin 1945 lorsque Jean-Louis Vigier, directeur du journal L’Époque (grand résistant, philosoviétique mais anticommuniste selon Marc Ferro), y publia un article titré : « Banditisme et lâcheté : le soviet limousin ». Guingouin le poursuivit en diffamation mais à l’audience du tribunal correctionnel, le 18 mars 1946, le Garde des Sceaux Teitgen fit état d’une information contre X à propos des crimes imputés à Guingouin par L’Époque et demanda de surseoir au procès. Malgré la défaillance inattendue de Joë Nordman, l’avocat conseillé par Chaintron, Guingouin gagna son procès en mai 1947, la Cour relevant la perfidie et la mauvaise foi de Vigier.
En 1953, la droite, voyant que « même le parti l’abandonne », put passer à l’offensive pour mettre en cause la Résistance. « Une étrange coalition entre des hommes que tout oppose a monté un complot sordide contre Guingouin », dira Françoise Seligmann au 81e congrès de la Ligue des droits de l’Homme. Déjà attaqué par la direction stalinienne du PC, il avait contre lui le munichois SFIO Le Bail ulcéré de son échec aux élections municipales, la droite réactionnaire et les vichystes de tous bords. L’ancien maquisard était poursuivi par des policiers dont certains l’avaient déjà poursuivi sous l’Occupation et par des magistrats qui avaient été les uns suspendus à la Libération, d’autres qui avaient condamné Guingouin aux travaux forcés en 1943. Un faux témoin aurait vu par une lucarne Guingouin présider un conseil décidant l’assassinat de deux agriculteurs ! L’accusation s’effondrait quand le 23 février 1954 la radio démentait une tentative de suicide à la prison de Brive. L’avocat de Guingouin était informé qu’ayant eu un « accès de fureur », on avait transporté son client non à l’hôpital de Brive mais dans une prison de Toulouse. Sa femme alertée le trouva quasiment mourant et il fut transféré à l’hôpital psychiatrique Marchant de Toulouse. On apprit plus tard par un témoin ce qui s’était passé le 23 février à Brive : deux gardiens l’avaient frappé à coups de matraque en particulier derrière la nuque. C’est alors que la presse écrivit qu’il avait perdu la raison ! Les médecins indiquèrent que « son état inspirait de réelles inquiétudes pour sa vie ». Transféré de nouveau à la prison de Brive (7-8 mai), il fut mis en liberté provisoire le 14 juin. Inculpé d’assassinats le 31 janvier 1956, la procédure dura encore cinq ans. L’opinion fut alertée par Claude Bourdet (France Observateur du 3 février 1955). Le Conseil de la Résistance de Haute Vienne publia un numéro spécial du journal Notre Flamme. Emmanuel d’Astier de la Vigerie intervint à l’Assemblée Nationale le 9 mars, mettant en cause « certains magistrats, certains policiers, une certaine presse, certains parlementaires derrière lesquels il y a les responsabilités gouvernementales ». Des comités de défense se constituèrent dans le Limousin et d’autres soutenus par la Ligue des droits de l’Homme et le SNI. Le fils d’un fusillé, Roland Dumas, fut adjoint à la défense. Il fallut attendre le 19 novembre 1959 pour que le substitut Thomas déclarât enfin qu’il ne comprenait pas « comment des poursuites avaient pu être engagées contre Guingouin ». Le non-lieu fut prononcé mais aucune enquête judiciaire n’eût lieu contre les origines de cette magouille policière.
Le militant tenta quelques essais pour reprendre pied sur le terrain politique. Le 27 mars 1957 par exemple, il donna son adhésion au Mouvement communiste démocratique et national d’Auguste Lecœur* et Pierre Hervé, et, au mois d’octobre suivant, il lança Le Peuple limousin, mensuel régional du mouvement qui dut cesser sa parution après cinq numéros. En 1961, il fit une tentative auprès du secrétaire général du Parti communiste et Maurice Thorez l’informa par lettre du 16 novembre 1961 que « toute la question [de son cas] serait revue par la Commission centrale de contrôle politique ». On lui offrit, affirma-t-il, « de le réintégrer dans le Parti, moyennant son silence » : « Léon Faix* et Pierre Doize vinrent me voir, m’offrant la carte du Parti sous condition de renonciation à ma tentative d’amener la direction du PC à faire son autocritique. J’ai maintenu ma position. » Le conflit continuait ; le parti ayant « perdu » le rapport de 1949, il décida alors de saisir le congrès, et c’est ainsi qu’en vue du XVIIe congrès (Le Havre, 1964), il établit un rapport qu’il fit transmettre par le secrétaire fédéral de l’Aube. Dans une lettre au présidium du congrès, Guingouin demanda la présentation de ce rapport, déclarant à propos des méthodes employées contre lui à l’époque de son exclusion : « Nul doute que si ce dernier [le parti] avait détenu le pouvoir ce gêneur [Guingouin] aurait connu un sort analogue à… Toukhatchevski qui fut exécuté. » Le présidium n’accéda pas à sa demande. Ce rapport « ne fut pas distribué aux congressistes et resta ignoré. »
Georges Guingouin « se consacra dès lors à sa tâche d’éducateur ». Il prit sa retraite en 1969.
Les attaques contre Guingouin reprirent en avril-mai 1985 à partir d’un numéro du Crapouillot s’appuyant sur le livre de Robert Aron (Histoire de la Libération de la France), dont des historiens comme Peter Novick ont pourtant montré les erreurs, et sur un rapport national de la gendarmerie de mars 1946 qui amalgamait, pour compter les victimes de 1944, les exécutions des collaborateurs et celles des résistants par les Allemands ou la Milice (c’est ainsi que les 642 victimes d’Oradour-sur-Glane sont comprises dans ce bilan !). Une plainte fut déposée par Guingouin qui reçut le soutien de tous les membres du conseil général de la Haute-Vienne en dépit de leurs divergences politiques.
Georges Guingouin fonda en 1987 l’Association des amis du musée de la Résistance de Limoges qui émettait régulièrement un bulletin et participait à de nombreuses commémorations, dont la dernière en 2002 fut celle des combats victorieux de juillet 1944 sur les flancs du Mont Gargan. Dans ses allocutions et articles, non seulement Guingouin rendait hommage à ses compagnons de lutte, dénonçait les inexactitudes historiques, mais aussi analysait et commentait l’actualité. En 1998, il inaugura lui-même à Magnac-Laval la première rue qui portait son nom, et à Eymoutiers le premier établissement scolaire, le collège Georges-Guingouin.
Le 25 janvier 1998, Robert Hue, secrétaire national du PCF, prononçait un discours où il citait d’anciens communistes, dont Guingouin, injustement sanctionnés, et le 6 février, dans une lettre publiée le 13 dans l’Humanité, il écrivait à Guingouin : « Je tiens à vous confirmer à vous personnellement combien le PC reconnaît la gravité du tort qu’il a fait… Nous savons quels procédés ont été utilisés et mesurons toute l’injustice que représente votre exclusion. » Le 30 janvier 2003, enfin, Marie-Georges Buffet, qui avait succédé à Robert Hue, lui souhaitait un bon anniversaire pour ses quatre-vingt-dix ans et réaffirmait que Guingouin avait été victime et avait injustement souffert des erreurs de son parti. Elle rappelait que toutes les exclusions politiques antérieures étaient nulles et non avenues.
Ces deux lettres condamnaient les procédés et l’exclusion, mais ne faisaient aucune allusion au contenu du rapport de 1949 dans lequel Guingouin demandait une autocritique de la politique du parti en 1939-40 et 1944.
Dans les dernières interventions de Guingouin, citons le 21 novembre 2002 un exposé à la conférence-débat réunissant les professeurs d’histoire de l’Aube. Il signa en 2004, pour le 60e anniversaire du programme du CNR, un appel « Créer c’est résister, résister c’est créer » avec, entre autres, Lucie et Raymond Aubrac, Stéphane Hessel*, Kriegel-Valrimont, Germaine Tillion*… Ils appelaient à une insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, la compétition à outrance les uns contre les autres.
Enfin, le 2 juin 2005, Guingouin recevait la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur et rappelait le mot de De Gaulle : « Limoges capitale du Maquis ».
Georges Guingouin avait perdu son épouse le 23 avril 2004. Ils avaient eu trois filles : Michèle, vice-présidente des Amis du musée de la Résistance de Haute Vienne, Claude et Joëlle.
on imprime clandestinement à Saint-Junien : Kokanoff , et ,Bellac , chez Mme Bonin ou Mme Lenoble à Chaptelat (Couzeix). Début 1941 , Pétain doit venir à Limoges , mais Georges Guinguoin "lo Gran" ou "l'Ermite" de Saint-Gilles , n'en à cure. Il est déjà "l'indiscipliné". Le pacte Germano-Soviètique vascille, la fin est proche. Georges Guinguoin est poursuivi par le préfet de Limoges , l'amiral Bard , mais.....introuvable. Georges perd ses premiers compagnons. Il récupère un stock de carte d'alimentation à la mairie de Saint-Gilles-les-Forêts. Il est condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité.. Il se lance alors dans la résistance armée. Sa tête est mise à prix. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La voix de Londres : Pierre Bourdan de son vrai nom
Pierre Maillaud dit " Bourdan"
On entend l’appel lancé le 18 juin 1940 par le général de Gaulle. Il le rencontre le lendemain et ressort de son entretien impressionné par sa confiance et son optimisme.
Il abandonne l’Agence Havas qui rejoint Paris et, en même temps qu’il jette, à la demande du général de Gaulle, les bases de l’Agence Française Indépendante, il intègre le service français de la BBC où il signe, le 8 juillet 1940, sa première chronique : « Après Mers-el-Kebir ».
fait partie avec Jean Oberlé, Jean Marin, Pierre Lefebvre, Jacques Borel et Maurice Van Moppes de l’équipe dirigée par Jacques Duchesne qui crée bientôt ce qui deviendra à partir du 6 septembre 1940, l’émission mythique de la chaîne : Les Français parlent aux Français.
C’est donc sous le pseudonyme de Pierre Bourdan qu’il prend en charge le Commentaire des nouvelles et participe à la Discussion des Trois Amis avec Jacques Duchesne et Jean Oberlé.
Son épouse interviendra également sur les ondes de la BBC à partir du 1er décembre 1940, mais moins fréquemment, sur des sujets touchants à la condition féminine, à l’éducation des enfants et au social. (Le fisc anglais d’ailleurs confirmera leur double participation à l’émission en leur adressant en juin 1948 ce rappel qui ne manque pas de piquant.)
Très vite, sa voix, sa franchise et la logique indiscutable d’un raisonnement qui le porte à l’optimisme en font l’un des participants les plus écoutés et les plus influents de la radio. L’émission est retransmise en direct chaque soir. Le reste du temps et parallèlement, il développe l’Agence Française Indépendante, recrutant des correspondants à travers le monde entier.
Alors que les nouvelles ne sont pas bonnes pour lui, De Gaulle n’est pas content de l’AFI , le Général Revers a mis en quelque sorte sa tête à prix , l’Amiral Darlan veut le mettre à la raison, il se rend en Algérie fin 1942 avec un double objectif : préparer un rapprochement de l’AFI avec l’Agence France Afrique d’une part et étudier sur place les relations complexes entre pétainistes, giraudistes, gaullistes et royalistes d’autre part. Il a rendez-vous avec l’Amiral Darlan à l’heure même où celui-ci est exécuté par Fernand Bonier de la Chapelle à Alger.
Il écrit aussi et publie en 1943, directement en anglais, France qui décrit l’état de notre pays à l’ouverture de la guerre, (certains évoquent à cet égard Joseph Conrad). Début 1944 il publie une étude sur l’Angleterre : The English way qu’il traduira en français sous le titre Perplexité et grandeur de l’Angleterre.
Après le Débarquement allié, et comme il a toujours privilégié l’action, (il a d’ailleurs fait sienne la devise de son poète préféré, P.B. Shelley : «The soul’s joy lies in doing») , il rejoint, comme correspondant de guerre, la 2ème D.B du Général Leclerc qui débarque en France le 1er août 1944.
Il est arrêté peu après par les allemands à proximité de Rennes avec deux de ses camarades, attachés pour leur part à l’armée américaine, après une imprudence extrême : ils ont quitté leur colonne pour tenter d’être les premiers à entrer dans Rennes, précédant les troupes américaines qui en sont toutes proches, mais qui finalement et contre toute attente diffèreront l’assaut. Les allemands en profiteront pour tenter de quitter la ville par train emmenant avec eux 1200 résistants prisonniers.
Par chance, personne n’identifiera Pierre Bourdan et ses compagnons. Ils sont enfermés dans un wagon de ce dernier train qui quitte Rennes pour l’Allemagne et les camps, le 3 août. Grâce à la complicité de résistants locaux qui l’ont reconnu et lui ont procuré le matériel nécessaire il parvient, ainsi que ses deux camarades, à s’évader dans la nuit du 5 au 6 août en sautant du train en marche près de Saint-Martin de la Place. Il restera quelques jours caché dans une famille d’agriculteurs de Longué dans le Maine et Loire. (Il conservera des liens très étroits avec cette famille: en mai 1945, il sera présent, avec son épouse, au baptême de leur fille Anita dont il est, à la demande des parents, le parrain. Ils y reviennent en août 1946 pour le baptême d’Annick, la soeur d’Anita, dont la femme de Pierre Bourdan, Jeanne, est la marraine).
Douze jours plus tard à Argentan, il retrouve la 2ème D.B, accueilli par un général Leclerc que le déroulement favorable des opérations a heureusement mis de bonne humeur, il participe à la libération de Paris le 25 août. Il quittera la 2ème DB du 30 octobre à fin décembre et sera absent le 23 novembre pour la libération de Strasbourg.